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 coup de geule

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baal
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baal
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:04

les instruments, les moyens de tout cela m'étant inconnus et inexplicables, devaient être nuls pour moi. Que je devais regarder tous les détails de ma destinée comme autant d'actes d'une pure fatalité où je ne devais supposer ni direction, ni intention, ni cause morale, qu'il fallait m'y soumettre sans raisonner et sans regimber, parce que cela était inutile, que tout ce que j'avais à faire encore sur la terre étant de m'y regarder comme un être purement passif, je ne devais point user à résister inutilement à ma destinée la force qui me restait pour la supporter. Voilà ce que je me disais. Ma raison, mon coeur y acquiesçaient et néanmoins je sentais ce coeur murmurer encore. D'où venait ce murmure ? Je le cherchai, je le trouvai ; il venait de l'amour-propre qui après s'être indigné contre les hommes se soulevait encore contre la raison. Cette découverte n'était pas si facile à faire qu'on pourrait croire, car un innocent persécuté prend longtemps pour un pur amour de la justice l'orgueil de son petit individu. Mais aussi la véritable source, une fois bien connue, est facile à tarir ou du moins à détourner. L'estime de soi-même est le plus grand mobile des âmes fières, l'amour-propre, fertile en illusions, se déguise et se fait prendre pour cette estime, mais quand la fraude enfin se découvre et que l'amour-propre ne peut plus se cacher, dès lors il n'est plus à craindre et quoiqu'on l'étouffe avec peine on le subjugue au moins aisément. Je n'eus jamais beaucoup de pente à l'amour- propre, mais cette passion factice s'était exaltée en moi dans le monde et surtout quand je fus auteur, j'en avais peut-être encore moins qu'un autre mais j'en avais prodigieusement. Les terribles leçons que j'ai reçues l'ont bientôt renfermé dans ses premières bornes ; il commença par se révolter contre l'injustice mais il a fini par la dédaigner. En se repliant sur mon âme, en coupant les relations extérieur et qui le rendent exigeant, en renonçant aux comparaisons, aux préférences, il s'est contenté que je fusse bon pour moi ; alors, redevenant amour de moi-même il est rentré dans l'ordre de la nature et m'a délivré du joug de l'opinion. Des lors j'ai retrouvé la paix de l'âme et presque la félicité ; car, dans quelque situation qu'on se trouve ce n'est que par lui qu'on est constamment malheureux. Quand il se tait et que la raison parle elle nous console enfin de tous les maux qu'il n'a pas dépendu de nous d'éviter. Elle les anéantit même autant qu'ils n'agissent pas immédiatement sur nous, car on est sûr alors d'éviter leurs plus poignantes atteintes en cessant de s'en occuper. Ils ne sont rien pour celui qui n'y pense pas. Les offenses, les vengeances, les passe-droits, les outrages, les injustices ne sont rien pour celui qui ne voit dans les maux qu'il endure que le mal même et non pas l'intention, pour celui dont la place ne dépend pas dans sa propre estime de celle qu'il plaît aux autres de lui accorder. De quelque façon que les hommes veuillent me voir, ils ne sauraient changer mon être, et malgré leur puissance et malgré toutes leurs sourdes intrigues, je continuerai, quoi qu'ils fassent, d'être en dépit d'eux ce que je suis. Il est vrai que leurs dispositions à mon égard influent sur ma situation réelle, la barrière qu'ils ont mise entre eux et moi m'ôte toute ressource de subsistance et d'assistance dans ma vieillesse et mes besoins. Elle me rend l'argent même inutile, puisqu'il ne peut me procurer les services qui me sont nécessaires, il n'y a plus ni commerce ni secours réciproque ni correspondance entre eux et moi. Seul au milieu d'eux, je n'ai que moi seul pour ressource et cette ressource est bien faible à mon âge et dans l'état où je suis. Ces maux sont grands, mais ils ont perdu sur moi toute leur force depuis que j'ai su les supporter sans m'en irriter. Les points où le vrai besoin se fait sentir sont toujours rares. La prévoyance et l'imagination les multiplient, et c'est par cette continuité de sentiments qu'on s'inquiète et qu'on se rend malheureux. Pour moi j'ai beau savoir que je souffrirai demain, il me suffit de ne pas souffrir aujourd'hui pour être tranquille. Je ne m'affecte point du mal que je prévois mais seulement de celui que je sens, et cela le réduit à très peu de chose. Seul, malade et délaissé dans mon lit, j'y peux mourir d'indigence, de froid et de faim sans que personne s'en mette en peine. Mais qu'importe, si je ne m'en mets pas en peine moi-même et si je m'affecte aussi peu que les autres de mon destin quel qu'il soit ? N'est-ce rien, surtout à mon âge, que d'avoir appris à voir la vie et la mort, la maladie et la santé, la richesse et la misère, la gloire et la diffamation avec la même indifférence ? Tous les autres vieillards s'inquiètent de tout, moi je ne m'inquiète de rien, quoi qu'il puisse arriver tout m'est indifférent, et cette indifférence n'est pas l'ouvrage de ma sagesse, elle est celui de mes
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:05

ennemis et devient une compensation des maux qu'ils me font. En me rendant insensible à l'adversité ils m'ont fait plus de bien que s'ils m'eussent épargné ses atteintes. En ne l'éprouvant pas je pourrais toujours la craindre, au lieu qu'en la subjuguant je ne la crains plus. Cette disposition me livre, au milieu des traverses de ma vie, à l'incurie de mon naturel presque aussi pleinement que si je vivais dans la plus complète prospérité. Hors les courts moments où je suis rappelé par la présence des objets aux plus douloureuses inquiétudes, tout le reste du temps livré par mes penchants aux affections qui m'attirent, mon coeur se nourrit encore des sentiments pour lesquels il était né, et j'en jouis avec des êtres imaginaires qui les produisent et qui les partagent comme si ces êtres existaient réellement. Ils existent pour moi qui les ai créés et je ne crains ni qu'ils me trahissent ni qu'ils m'abandonnent. Ils dureront autant que mes malheurs mêmes et suffiront pour me les faire oublier. Tout me ramène à la vie heureuse et douce pour laquelle j'étais né. Je passe les trois quarts de ma vie ou occupé d'objets instructifs et même agréables auxquels je livre avec délices mon esprit et mes sens, ou avec les enfants de mes fantaisies que j'ai créés selon mon coeur et dont le commerce en nourrit les sentiments, ou avec moi seul, content de moi-même et déjà plein du bonheur que je sens m'être dû. En tout ceci l'amour de moi-même fait toute l'oeuvre, l'amour-propre n'y entre pour rien. Il n'en est pas ainsi des tristes moments que je passe encore au milieu des hommes, jouet de leurs caresses traîtresses de leurs compliments ampoulés et dérisoires, de leur mielleuse malignité. De quelque façon que je m'y sois pu prendre, l'amour-propre alors fait son jeu. La haine et l'animosité que je vois dans leurs coeurs à travers cette grossière enveloppe déchirent le mien de douleur et l'idée d'être ainsi sottement pris pour dupe ajoute encore à cette douleur un dépit très puéril, fruit d'un sot amour-propre dont je sens toute la bêtise mais que je ne puis subjuguer. Les efforts que j'ai faits pour m'aguerrir à ces regards insultants et moqueurs sont incroyables. Cent fois j'ai passé par les promenades publiques et par les lieux les plus fréquentées dans l'unique dessein de m'exercer à ces cruelles bourdes ; non seulement je n'y ai pu parvenir mais je n'ai même rien avancé, et tous mes pénibles mais vains efforts m'ont laissé tout aussi facile à troubler, à navrer, à indigner qu'auparavant.

Dominé par mes sens quoi que je puisse faire, je n'ai jamais su résister à leurs impressions, et tant que l'objet agit sur eux mon coeur ne cesse d'en être affecté, mais ces affections passagères ne durent qu'autant que la sensation qui les cause. La présence de l'homme haineux m'affecte violemment, mais sitôt qu'il disparaît l'impression cesse ; à l'instant que je ne le vois plus je n'y pense plus. J'ai beau savoir qu'il va s'occuper de moi, je ne saurais m'occuper de lui. Le mal que je ne sens point actuellement ne m'affecte en aucune sorte, le persécuteur que je ne vois point est nul pour moi. Je sens l'avantage que cette position donne à ceux qui disposent de ma destinée. Qu'ils en disposent donc tout à leur aise. J'aime encore mieux qu'ils me tourmentent sans résistance que d'être forcé de penser à eux pour me garantir de leurs coups. Cette action de mes sens sur mon coeur fait le seul tourment de ma vie. Les jours où je ne vois personne, je ne pense plus à ma destinée, je ne la sens plus, je ne souffre plus, je suis heureux et content sans diversion sans obstacle. Mais s'échappe rarement à quelque atteinte sensible et lorsque j'y pense le moins, un geste, un regard sinistre que j'aperçois, un mot envenimé que j'entends, un malveillant que je rencontre suffit pour me bouleverser. Tout ce que je puis faire en pareil cas est d'oublier bien vite et de fuir. Le trouble de mon coeur disparaît avec l'objet qui l'a causé et je rentre dans le calme aussitôt que je suis seul. Ou si quelque chose m'inquiète, c'est la crainte de rencontrer sur mon passage quelque nouveau sujet de douleur. C'est là ma seule peine, mais elle suffit pour altérer mon bonheur. Je loge au milieu de Paris. En sortant de chez moi je soupire après la campagne et la solitude, mais il faut l'aller chercher si loin qu'avant de pouvoir respirer à mon aise je trouve en mon chemin mille objets qui me serrent le coeur, et la moitié de la journée se passe en angoisses avant que j'aie atteint l'asile que je vais chercher. Heureux du moins quand on me laisse achever ma route. Le moment où j'échappe au cortège des méchants est délicieux, et sitôt que je me vois sous les arbres, au milieu de la verdure, je crois me voir dans le paradis terrestre et je goûte un plaisir interne aussi vif que si j'étais le plus heureux des mortels. Je me souviens parfaitement que durant mes courtes prospérités ces mêmes promenades solitaires qui me sont aujourd'hui si délicieuses m'étaient insipides et ennuyeuses. Quand j'étais chez quelqu'un à la campagne, le besoin de faire de l'exercice et de respirer le grand air me
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:05

faisait souvent sortir seul, et m'échappant comme un voleur je m'allais promener dans le parc ou dans la campagne, mais loin d'y trouver le calme heureux que j'y goûte aujourd'hui, j'y portais l'agitation des vaines idées qui m'avaient occupé dafns le salon ; le souvenir de la compagnie que j'y avais laissée m'y suivait. Dans la solitude, les vapeurs de l'amour-propre et le tumulte du monde ternissaient à mes yeux la fraîcheur des bosquets et troublaient la paix de la retraite. J'avais beau fuir au fond des bois, une foule importune m'y suivait partout et voilait pour moi toute la nature. Ce n'est qu'après m'être détaché des passions sociales et de leur triste cortège que je l'ai retrouvée avec tous ses charmes.

Convaincu de l'impossibilité de contenir ces premiers mouvements involontaires, j'ai cessé tous mes efforts pour cela. Je laisse à chaque atteinte mon sang s'allumer, la colère et l'indignation s'emparer de mes sens, je cède à la nature cette première explosion que toutes mes forces ne pourraient arrêter ni suspendre. Je tâche seulement d'en arrêter les suites avant qu'elle ait produit aucun effet. Les yeux étincelants, le feu du visage, le tremblement des membres, les suffocantes palpitations, tout cela tient au seul physique et le raisonnement n'y peut rien, mais après avoir laissé faire au naturel sa première explosion l'on peut redevenir son propre maître en reprenant peu à peu ses sens ; c'est ce que j'ai tâché de faire longtemps sans succès, mais enfin plus heureusement. Et cessant d'employer ma force en vaine résistance, j'attends le moment de vaincre en laissant agir ma raison, car elle ne me parle que quand elle peut se faire écouter. Eh ! que dis-je, hélas ! ma raison ? J'aurais grand tort encore de lui faire l'honneur du triomphe, car elle n'y a guère de part. Tout vient également d'un tempérament versatile qu'un vent impétueux agite, mais qui rentre dans le calme à l'instant que le vent ne souffle plus. C'est mon naturel ardent qui m'alite, c'est mon naturel indolent qui m'apaise. Je cède à toutes les impulsions présentes, tout choc me donne un mouvement vif et court ; sitôt qu'il n'y a plus de choc, le mouvement cesse rien de communiqué ne peut se prolonger en moi. Tous les événements de la fortune, toutes les machines des hommes ont peu de prise sur un homme ainsi constitué. Pour m'affecter de peines durables, il faudrait que l'impression se renouvelât à chaque instant. Car les intervalles quelques courts qu'ils soient, suffisent pour me rendre à moi-même. Je suis ce qu'il plaît aux hommes tant qu'ils peuvent agir sur mes sens ; mais au premier instant de relâche, je redeviens ce que la nature a voulu, c'est là, quoi qu'on puisse faire mon état le plus constant et celui par lequel en dépit de la destinée je goûte un bonheur pour lequel je me sens constitué. J'ai décrit cet état dans une de mes rêveries. Il me convient si bien que je ne désire autre chose que sa durée et ne crains que de le voir troublé. Le mal que m'ont fait les hommes ne me touche en aucune sorte, la crainte seule de celui qu'ils peuvent me faire encore est capable de m'agiter ; mais certain qu'ils n'ont plus de nouvelle prise par laquelle ils puissent m'affecter d'un sentiment permanent, je me ris de toutes leurs trames et je jouis de moi-même en dépit d'eux.


NEUVIÈME PROMENADE

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Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l'homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d'y prendre une forme constante. Tout change autour de nous. Nous changeons nous-mêmes et nul ne peut s'assurer qu'il aimera demain ce qu'il aime aujourd'hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie sont des chimères. Profitons du contentement d'esprit quand il vient gardons-nous de l'éloigner par notre faute mais ne faisons pas des projets pour l'enchaîner, car ces projets-là sont de pures folies. J'ai peu vu d'hommes heureux, peut-être point, mais j'ai souvent vu des coeurs contents, et de tous les objets qui m'ont frappé c'est celui qui m'a le plus
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:06

contenté moi-même. Je crois que c'est une suite naturelle du pouvoir des sensations sur mes sentiments internes. Le bonheur n'a point d'enseigne extérieure ; pour le connaître il faudrait lire dans le coeur de l'homme heureux ; mais le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l'accent, dans la démarche, et semble se communiquer à celui qui l'aperçoit. Est-il une jouissance plus douce que de voir un peuple entier se livrer à la joie un jour de fête et tous les coeurs s'épanouir aux rayons expansifs du plaisir qui passe rapidement, mais vivement, à travers les nuages de la vie ? Il y a trois jours que M. P. vint avec un empressement extraordinaire me montrer l'éloge de madame Geoffrin par M. d'Alembert. La lecture fut précédée de longs et grands éclats de rire sur le ridicule néologisme de cette pièce et sur les badins jeux de mots dont il la disait remplie. Il commença de lire en riant toujours, je l'écoutai d'un sérieux qui le calma, et voyant que je ne l'imitais point il cessa enfin de rire. L'article le plus long et le plus recherché de cette pièce roulait sur le plaisir que prenait madame Geoffrin à voir les enfants et à les faire causer. L'auteur tirait avec raison de cette disposition une preuve de bon naturel. Mais il ne s'arrêtait pas là et il accusait décidément de mauvais naturel et de méchanceté tous ceux qui n'avaient pas le même goût, au point de dire que si l'on interrogeait là-dessus ceux qu'on mène au gibet ou à la roue tous conviendraient qu'ils n'avaient pas aimé les enfants. Ces assertions faisaient un effet singulier dans la place où elles étaient. Supposant tout cela vrai était-ce là l'occasion de le dire et fallait-il souiller l'éloge d'une femme estimable des images de supplice et de malfaiteur ? Je compris aisément le motif de cette affectation vilaine et quand M. P. eut fini de lire, en relevant ce qui m'avait paru bien dans l'éloge j'ajoutai que l'auteur en l'écrivant avait dans le coeur moins d'amitié que de haine. Le lendemain, le temps étant assez beau quoique froid, j'allai faire une course jusqu'à l'école militaire, comptant d'y trouver des mousses en pleine fleur. En allant, je rêvais sur la visite de la veille et sur l'écrit de M. d'Alembert où je pensais bien que le placage épisodique n'avait pas été mis sans dessein, et la seule affectation de m'apporter cette brochure à moi à qui l'on cache tout, m'apprenait assez quel en était l'objet. J'avais mis mes enfants aux Enfants-Trouvés, c'en était assez pour m'avoir travesti en père dénaturé, et de là, en étendant et caressant cette idée, on en avait peu à peu tiré la conséquence évidente que je haïssais les enfants ; en suivant par la pensée la chaîne de ces gradations j'admirais avec quel art l'industrie humaine sait changer les choses du blanc au noir. Car je ne crois pas que jamais homme ait plus aimé que moi à voir de petits bambins folâtrer et jouer ensemble, et souvent dans la rue et aux promenades je m'arrête à regarder leur espièglerie et leurs petits jeux avec un intérêt que je ne vois partager à personne. Le jour même où vint M. P., une heure avant sa visite j'avais eu celle des deux petits du Soussoi les plus jeunes enfants de mon hôte, dont l'aîné peut avoir sept ans : ils étaient venus m'embrasser de si bon coeur et je leur avais rendu si tendrement leurs caresses que malgré la disparité des âges ils avaient paru se plaire avec moi sincèrement, et pour moi j'étais transporté d'aise de voir que ma vieille figure ne les avait pas rebutés. Le cadet même paraissait revenir à moi si volontiers que, plus enfant qu'eux, je me sentais attacher à lui déjà par préférence et je le vis partir avec autant de regret que s'il m'eût appartenu. Je comprends que le reproche d'avoir mis mes enfants aux Enfants-Trouvés a facilement dégénéré, avec un peu de tournure, en celui d'être un père dénaturé et de haïr les enfants. Cependant il est sûr que c'est la crainte d'une destinée pour eux mille fois pire et presque inévitable par toute autre voie qui m'a le plus déterminé
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:07

dans cette démarche.

Plus indifférent sur ce qu'ils deviendraient et hors d'état de les élever moi-même, il aurait fallu dans ma situation les laisser élever par leur mère qui les aurait gâtés et par sa famille qui en aurait fait des monstres. Je frémis encore d'y penser. Ce que Mahomet fit de Séide n'est rien auprès de ce qu'on aurait fait d'eux à mon égard, et les pièges qu'on m'a tendus là-dessus dans la suite me confirment assez que le projet en avait été formé. A la vérité j'étais bien éloigné de prévoir alors ces trames atroces : mais je savais que l'éducation pour eux la moins périlleuse était celle des Enfant-Trouvés et je les y mis. Je le ferais encore avec bien moins de doute aussi si la chose était à faire et je sais bien que nul père n'est plus tendre que je l'aurais été pour eux, pour peu que l'habitude eût aidé la nature. Si j'ai fait quelque progrès dans la connaissance du coeur humain, c'est le plaisir que j'avais à voir et observer les enfants qui m'a valu cette connaissance. Ce même plaisir dans ma jeunesse y a mis une espèce d'obstacle, car je jouais avec les enfants si gaiement et de si bon coeur que je ne songeais guère à les étudier. Mais quand en vieillissant j'ai vu que ma figure caduque les inquiétait, je me suis abstenu de les importuner, et j'ai mieux aimé me priver d'un plaisir que de troubler leur joie et content alors de me satisfaire en regardant leurs jeux et tous leurs petits manèges, j'ai trouvé le dédommagement de mon sacrifice dans les lumières que ces observations m'ont fait acquérir sur les premiers et vrais mouvements de la nature auxquels tous nos savants ne connaissent rien. J'ai consigné dans mes écrits la preuve que je m'étais occupé de cette recherche trop soigneusement pour ne l'avoir pas faite avec plaisir, et ce serait assurément la chose du monde la plus incroyable que l'Héloïse et l'Emile fussent l'ouvrage d'un homme qui n'aimait pas les enfants. Je n'eus jamais ni présence d'esprit ni facilité de parler ; mais depuis mes malheurs ma langue et ma tête se sont de plus en plus embarrassées. L'idée et le mot propre m'échappent également, et rien n'exige un meilleur discernement et un choix d'expression plus justes que les propos qu'on tient aux enfants. Se qui augmente encore en moi cet embarras est l'attention des écoutants, les interprétations et le poids qu'ils donnent à tout ce qui part d'un homme qui, ayant écrit expressément pour les enfants, est supposé ne devoir leur parler que par oracles. Cette gêne extrême et l'inaptitude que je me sens me trouble, me déconcerte et je serais bien plus à mon aise devant un monarque d'Asie que devant un bambin qu'il faut faire babiller.

Un autre inconvénient me tient maintenant plus éloigné d'eux, et depuis mes malheurs je les vois toujours avec le même plaisir, mais je n'ai plus avec eux la même familiarité. Les enfants n'aiment pas la vieillesse, l'aspect de la nature défaillante est hideux à leurs yeux, leur répugnance que j'aperçois me navre et j'aime mieux m'abstenir de les caresser que de leur donner de la gêne ou du dégoût. Ce motif qui n'agit que sur des âmes vraiment aimantes est nul pour tous nos docteurs et doctoresses. Madame Geoffrin s'embarrassait fort peu que les enfants eussent du plaisir avec elle pourvu qu'elle en eût avec eux. Mais pour moi ce plaisir est pis que nul, il est négatif quand il n'est pas partagé, et je ne suis plus dans la situation ni dans l'âge où je voyais le petit coeur d'un enfant s'épanouir avec le mien. Si cela pouvait m'arriver encore, ce plaisir devenu plus rare n'en serait pour moi que plus vif : je l'éprouvais bien l'autre matin par celui que je prenais à caresser les petits du Soussoi, non seulement parce que la bonne qui les conduisait ne m'en imposait pas beaucoup et que je sentais moins le besoin de m'écouter devant elle, mais encore parce que l'air jovial avec lequel ils m'abordèrent ne les quitta point, et qu'ils ne parurent ni se déplaire ni s'ennuyer avec moi. Oh ! si j'avais encore quelques moments de pures caresses qui vinssent du coeur ne fût-ce que d'un enfant encore en jaquette, si je pouvais voir encore dans quelques yeux la joie et le contentement d'être avec moi, de combien de maux et de peines ne me dédommageraient pas ces courts
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:16

NEUVIÈME PROMENADE

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Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l'homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d'y prendre une forme constante. Tout change autour de nous. Nous changeons nous-mêmes et nul ne peut s'assurer qu'il aimera demain ce qu'il aime aujourd'hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie sont des chimères. Profitons du contentement d'esprit quand il vient gardons-nous de l'éloigner par notre faute mais ne faisons pas des projets pour l'enchaîner, car ces projets-là sont de pures folies. J'ai peu vu d'hommes heureux, peut-être point, mais j'ai souvent vu des coeurs contents, et de tous les objets qui m'ont frappé c'est celui qui m'a le plus contenté moi-même. Je crois que c'est une suite naturelle du pouvoir des sensations sur mes sentiments internes. Le bonheur n'a point d'enseigne extérieure ; pour le connaître il faudrait lire dans le coeur de l'homme heureux ; mais le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l'accent, dans la démarche, et semble se communiquer à celui qui l'aperçoit. Est-il une jouissance plus douce que de voir un peuple entier se livrer à la joie un jour de fête et tous les coeurs s'épanouir aux rayons expansifs du plaisir qui passe rapidement, mais vivement, à travers les nuages de la vie ? Il y a trois jours que M. P. vint avec un empressement extraordinaire me montrer l'éloge de madame Geoffrin par M. d'Alembert. La lecture fut précédée de longs et grands éclats de rire sur le ridicule néologisme de cette pièce et sur les badins jeux de mots dont il la disait remplie. Il commença de lire en riant toujours, je l'écoutai d'un sérieux qui le calma, et voyant que je ne l'imitais point il cessa enfin de rire. L'article le plus long et le plus recherché de cette pièce roulait sur le plaisir que prenait madame Geoffrin à voir les enfants et à les faire causer. L'auteur tirait avec raison de cette disposition une preuve de bon naturel. Mais il ne s'arrêtait pas là et il accusait décidément de mauvais naturel et de méchanceté tous ceux qui n'avaient pas le même goût, au point de dire que si l'on interrogeait là-dessus ceux qu'on mène au gibet ou à la roue tous conviendraient qu'ils n'avaient pas aimé les enfants. Ces assertions faisaient un effet singulier dans la place où elles étaient. Supposant tout cela vrai était-ce là l'occasion de le dire et fallait-il souiller l'éloge d'une femme estimable des images de supplice et de malfaiteur ? Je compris aisément le motif de cette affectation vilaine et quand M. P. eut fini de lire, en relevant ce qui m'avait paru bien dans l'éloge j'ajoutai que l'auteur en l'écrivant avait dans le coeur moins d'amitié que de haine. Le lendemain, le temps étant assez beau quoique froid, j'allai faire une course jusqu'à l'école militaire, comptant d'y trouver des mousses en pleine fleur. En allant, je rêvais sur la visite de la veille et sur l'écrit de M. d'Alembert où je pensais bien que le placage épisodique n'avait pas été mis sans dessein, et la seule affectation de m'apporter cette brochure à moi à qui l'on cache tout, m'apprenait assez quel en était l'objet. J'avais mis mes enfants aux Enfants-Trouvés, c'en était assez pour m'avoir travesti en père dénaturé, et de là, en étendant et caressant cette idée, on en avait peu à peu tiré la conséquence évidente que je haïssais les enfants ; en suivant par la pensée la chaîne de ces gradations j'admirais avec quel art l'industrie humaine sait changer les choses du blanc au noir. Car je ne crois pas que jamais homme ait plus aimé que moi à voir de petits bambins folâtrer et jouer ensemble, et souvent dans la rue et aux promenades je m'arrête à regarder leur espièglerie et leurs petits jeux avec un intérêt que je ne vois partager à personne. Le jour même où vint M. P., une heure avant sa visite j'avais eu celle des deux petits du Soussoi les plus jeunes enfants de mon hôte, dont l'aîné peut avoir sept ans : ils étaient venus m'embrasser de si bon coeur et je leur avais rendu si tendrement leurs caresses que malgré la disparité des âges ils avaient paru se plaire avec moi sincèrement, et pour moi j'étais transporté d'aise de voir que ma vieille figure ne les avait pas rebutés. Le cadet même paraissait revenir à moi si volontiers que, plus enfant qu'eux, je me sentais attacher à lui déjà par préférence et je le vis partir avec autant de regret que s'il m'eût appartenu. Je comprends que le reproche d'avoir mis mes enfants aux Enfants-Trouvés a facilement dégénéré, avec un peu de tournure, en celui d'être un père dénaturé et de haïr les enfants. Cependant il est sûr que c'est la crainte d'une destinée pour eux mille fois pire et presque inévitable par toute autre voie qui m'a le plus déterminé dans cette démarche.

Plus indifférent sur ce qu'ils deviendraient et hors d'état de les élever moi-même, il aurait fallu dans ma situation les laisser élever par leur mère qui les aurait gâtés et par sa famille qui en aurait fait des monstres. Je frémis encore d'y penser. Ce que Mahomet fit de Séide n'est rien auprès de ce qu'on aurait fait d'eux à mon égard, et les pièges qu'on m'a tendus là-dessus dans la suite me confirment assez que le projet en avait été formé. A la vérité j'étais bien éloigné de prévoir alors ces trames atroces : mais je savais que l'éducation pour eux la moins périlleuse était celle des Enfant-Trouvés et je les y mis. Je le ferais encore avec bien moins de doute aussi si la chose était à faire et je sais bien que nul père n'est plus tendre que je l'aurais été pour eux, pour peu que l'habitude eût aidé la nature. Si j'ai fait quelque progrès dans la connaissance du coeur humain, c'est le plaisir que j'avais à voir et observer les enfants qui m'a valu cette connaissance. Ce même plaisir dans ma jeunesse y a mis une espèce d'obstacle, car je jouais avec les enfants si gaiement et de si bon coeur que je ne songeais guère à les étudier. Mais quand en vieillissant j'ai vu que ma figure caduque les inquiétait, je me suis abstenu de les importuner, et j'ai mieux aimé me priver d'un plaisir que de troubler leur joie et content alors de me satisfaire en regardant leurs jeux et tous leurs petits manèges, j'ai trouvé le dédommagement de mon sacrifice dans les lumières que ces observations m'ont fait acquérir sur les premiers et vrais mouvements de la nature auxquels tous nos savants ne connaissent rien. J'ai consigné dans mes écrits la preuve que je m'étais occupé de cette recherche trop soigneusement pour ne l'avoir pas faite avec plaisir, et ce serait assurément la chose du monde la plus incroyable que l'Héloïse et l'Emile fussent l'ouvrage d'un homme qui n'aimait pas les enfants. Je n'eus jamais ni présence d'esprit ni facilité de parler ; mais depuis mes malheurs ma langue et ma tête se sont de plus en plus embarrassées. L'idée et le mot propre m'échappent également, et rien n'exige un meilleur discernement et un choix d'expression plus justes que les propos qu'on tient aux enfants. Se qui augmente encore en moi cet embarras est l'attention des écoutants, les interprétations et le poids qu'ils donnent à tout ce qui part d'un homme qui, ayant écrit expressément pour les enfants, est supposé ne devoir leur parler que par oracles. Cette gêne extrême et l'inaptitude que je me sens me trouble, me déconcerte et je serais bien plus à mon aise devant un monarque d'Asie que devant un bambin qu'il faut faire babiller.

Un autre inconvénient me tient maintenant plus éloigné d'eux, et depuis mes malheurs je les vois toujours avec le même plaisir, mais je n'ai plus avec eux la même familiarité. Les enfants n'aiment pas la vieillesse, l'aspect de la nature défaillante est hideux à leurs yeux, leur répugnance que j'aperçois me navre et j'aime mieux m'abstenir de les caresser que de leur donner de la gêne ou du dégoût. Ce motif qui n'agit que sur des âmes vraiment aimantes est nul pour tous nos docteurs et doctoresses. Madame Geoffrin s'embarrassait fort peu que les enfants eussent du plaisir avec elle pourvu qu'elle en eût avec eux. Mais pour moi ce plaisir est pis que nul, il est négatif quand il n'est pas partagé, et je ne suis plus dans la situation ni dans l'âge où je voyais le petit coeur d'un enfant s'épanouir avec le mien. Si cela pouvait m'arriver encore, ce plaisir devenu plus rare n'en serait pour moi que plus vif : je l'éprouvais bien l'autre matin par celui que je prenais à caresser les petits du Soussoi, non seulement parce que la bonne qui les conduisait ne m'en imposait pas beaucoup et que je sentais moins le besoin de m'écouter devant elle, mais encore parce que l'air jovial avec lequel ils m'abordèrent ne les quitta point, et qu'ils ne parurent ni se déplaire ni s'ennuyer avec moi. Oh ! si j'avais encore quelques moments de pures caresses qui vinssent du coeur ne fût-ce que d'un enfant encore en jaquette, si je pouvais voir encore dans quelques yeux la joie et le contentement d'être avec moi, de combien de maux et de peines ne me dédommageraient pas ces courts mais doux épanchements de mon coeur ? Ah ! je ne serais pas obligé de chercher parmi les animaux le regard de la bienveillance qui m'est désormais refusé parmi les humains. J'en puis juger sur bien peu d'exemples, mais toujours chers à mon souvenir. En voici un qu'en tout autre état j'aurais oublié presque et dont l'impression qu'il a faite sur moi peint bien toute ma misère. Il y a deux ans que, m'étant allé promener du côté de la Nouvelle-France, je poussai plus loin, puis, tirant à gauche et voulant tourner autour de Montmartre, je traversai le village de Clignancourt. Je marchais distrait et rêvant sans regarder autour de moi quand tout à coup je me sentis saisir les genoux. Je regarde et je vois un petit enfant de cinq à six ans qui serrait mes genoux de toute sa force en me regardant d'un air si familier et si caressant que mes entrailles s'émurent ; je me disais : C'est ainsi que j'aurais été traité des miens. Je pris l'enfant dans mes bras, je le baisai plusieurs fois dans une espèce de transport et puis je continuai mon chemin. Je sentais en marchant qu'il me manquait quelque chose, Un fort besoin naissant me ramenait sur mes pas. Je me reprochais d'avoir quitté si brusquement cet enfant, je croyais voir dans son action sans cause apparente une sorte d'inspiration qu'il ne fallait pas dédaigner. Enfin, cédant à la tentation, je reviens sur mes pas, je cours à l'enfant, je l'embrasse de nouveau et je lui donne de quoi acheter des petits pains de Nanterre dont le marchand passait là par hasard, et je commençai à le faire jaser. Je lui demandai qui était son père ; il me le montra qui reliait des tonneaux. J'étais prêt à quitter l'enfant pour aller lui parler quand je vis que j'avais été prévenu par un homme de mauvaise mine qui me parut être une de ces mouches qu'on tient sans cesse à mes trousses. Tandis que cet homme lui parlait à l'oreille, je vis les regards du tonnelier se fixer attentivement sur moi d'un air qui n'avait rien d'amical. Cet objet me resserra le coeur à l'instant et je quittai le père et l'enfant avec plus de promptitude encore que je n'en avais mis à revenir sur mes pas, mais dans un trouble moins agréable qui changea toutes mes dispositions.

Je les ai pourtant senties renaître souvent depuis lors, je suis repassé plusieurs fois par Clignancourt dans l'espérance d'y revoir cet enfant, mais je n'ai plus revu ni lui ni le père, et il ne m'est plus resté de cette rencontre qu'un souvenir assez vif mêlé toujours de douceur et de tristesse, comme toutes les émotions qui pénètrent encore quelquefois jusqu'à mon coeur. Il y a compensation à tout. Si mes plaisirs sont rares et courts, je les goûte aussi plus vivement quand ils viennent que s'ils m'étaient plus familiers ; je les rumine pour ainsi dire par de fréquents
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:17

souvenirs, et quelque rares qu'ils soient, s'ils étaient purs et sans mélange je serais plus heureux peut-être que dans ma prospérité. Dans l'extrême misère on se trouve riche de peu. Un gueux qui trouve un écu en est plus affecté que ne le serait un riche en trouvant une bourse d'or. On rirait si l'on voyait dans mon âme l'impression qu'y font les moindres plaisirs de cette espèce que je puis dérober à la vigilance de mes persécuteurs. Un des plus doux s'offrit il y a quatre ou cinq ans, que je ne me rappelle jamais sans me sentir ravi d'aise d'en avoir si bien profité. Un dimanche nous étions allés, ma femme et moi dîner à la porte Maillot. Après le dîner nous traversâmes le bois de Boulogne jusqu'à la Muette, là nous nous assîmes sur l'herbe à l'ombre en attendant que le soleil fût baissé pour nous en retourner ensuite tout doucement par Passy. Une vingtaine de petites filles conduites par une manière de religieuse vinrent les unes s'asseoir, les autres folâtrer assez près de nous. Durant leurs jeux vint à passer un oublieur avec son tambour et son tourniquet, qui cherchait pratique. Je vis que les petites filles convoitaient fort les oublies, et deux ou trois d'entre elles, qui apparemment possédaient quelques liards, demandèrent la permission de jouer. Tandis que la gouvernante hésitait et disputait, j'appelai l'oublieur et je lui dis : Faites tirer toutes ces demoiselles chacune à son tour et je vous paierai le tout. Ce mot répandit dans toute la troupe une joie qui seule eût plus que payé ma bourse quand je l'aurais toute employée à cela. Comme je vis qu'elles s'empressaient avec un peu de confusion, avec l'agrément de la gouvernante je les fis ranger toutes d'un côté, et puis passer de l'autre côté l'une après l'autre à mesure qu'elles avaient tiré. Quoiqu'il n'y eût point de billet blanc et qu'il revînt au moins une oublie à chacune de celles qui n'auraient rien, qu'aucune d'elles ne pouvait être absolument mécontente, afin de rendre la fête encore plus gaie, je dis en secret à l'oublieur d'user de son adresse ordinaire en sens contraire en faisant tomber autant de bons lots qu'il pourrait, et que je lui en tiendrais compte. Au moyen de cette prévoyance, il y eut tout près d'une centaine d'oublies distribués, quoique les jeunes filles ne tirassent chacune qu'une seule fois, car là-dessus je fus inexorable, ne voulant ni favoriser des abus ni marquer des préférences qui produiraient des mécontentements. Ma femme insinua à celles qui avaient de bons lots d'en faire part à leurs camarades, au moyen de quoi le partage devint presque égal et la joie plus générale.

Je priai la religieuse de vouloir bien tirer à son tour, craignant fort qu'elle ne rejetât dédaigneusement mon offre ; elle l'accepta de bonne grâce, tira comme les pensionnaires et prit sans façon ce qui lui revint. Je lui en sus un gré infini, et je trouvai à cela une sorte de politesse qui me plut fort et qui vaut bien, je crois, celle des simagrées. Pendant toute cette opération il y eut des disputes qu'on porta devant mon tribunal, et ces petites filles venant plaider tour à tour leur cause me donnèrent occasion de remarquer que, quoiqu'il n'y en eût aucune de jolie, la gentillesse de quelques-unes faisait oublier leur laideur.

Nous nous quittâmes enfin très contents les uns des autres, et cet après-midi fut un de ceux de ma vie dont je me rappelle le souvenir avec le plus de satisfaction. La fête au reste ne fut pas ruineuse, pour trente sous qu'il m'en coûta tout au plus, il y eut pour plus de cent écus de contentement. Tant il est vrai que le vrai plaisir ne se mesure pas sur la dépense et que la joie est plus amie des liards que des louis. Je suis revenu plusieurs fois à la même place à la même heure, espérant d'y rencontrer encore la petite troupe, mais cela n'est plus arrivé.

Ceci me rappelle un autre amusement à peu près de même espèce dont le souvenir m'est resté de beaucoup plus loin. C'était dans le malheureux temps où, faufilé parmi les riches et les gens de lettres, j'étais quelquefois réduit à partager leurs tristes plaisirs. J'étais à la Chevrette au temps de la fête du maître de la maison ; toute sa famille s'était réunie pour la célébrer, et tout l'éclat des plaisirs bruyants fut mis en oeuvre pour cet effet. Spectacles, festins, feux d'artifice, rien ne fut épargné. L'on n'avait pas le temps de prendre haleine et l'on s'étourdissait au lieu de s'amuser. Après le dîner on alla prendre l'air dans l'avenue où se tenait une espèce de foire. On dansait, les messieurs daignèrent danser avec les paysannes, mais les dames gardèrent leur dignité. On vendait là des pains d'épice. Un jeune homme de la compagnie s'avisa d'en acheter pour les lancer l'un après l'autre au milieu de la foule, et l'on prit tant de plaisir à voir tous ces manants se précipiter, se battre, se renverser pour en avoir, que tout le monde voulut se donner le même plaisir. Et pains d'épice de voler à droite et à gauche, et filles et garçons de courir, de s'entasser et s'estropier, cela paraissait charmant à tout le monde. Je fis comme les autres par mauvaise honte, quoique en dedans je ne m'amusasse pas autant qu'eux. Mais bientôt ennuyé de vider ma bourse pour faire écraser les gens, je laissai là la bonne compagnie et je fus me promener seul dans la foire. La variété des objets m'amusa longtemps. J'aperçus entre autres cinq ou six Savoyards autour d'une petite fille qui avait encore sur son éventaire une douzaine de chétives pommes dont elle aurait bien voulu se débarrasser. Les Savoyards de leur côté auraient bien voulu l'en débarrasser, mais ils n'avaient que deux ou trois liards à eux tous et ce n'était pas de quoi faire une grande brèche aux pommes. Cet éventaire était pour eux le jardin des Hespérides, et la petite fille était le dragon qui les gardait. Cette comédie m'amusa longtemps ; j'en fis enfin le dénouement en payant les pommes à la petite fille et les lui faisant distribuer aux petits garçons. J'eus alors un des plus doux spectacles qui puissent flatter un coeur d'homme, celui de voir la joie unie avec l'innocence de l'âge se répandre tout autour de moi. Car les spectateurs même en la voyant la partagèrent, et moi qui partageais à si bon marché cette joie, j'avais de plus celle de sentir qu'elle était mon ouvrage.

En comparant cet amusement avec ceux que je venais de quitter, je sentais avec satisfaction la différence qu'il y a des goûts sains et des plaisirs naturels à ceux que fait naître l'opulence, et qui ne sont guère que des plaisirs de moquerie et des goûts exclusifs engendrés par le mépris. Car quelle sorte de plaisir pouvait-on prendre à voir des troupeaux d'hommes avilis par la misère s'entasser, s'estropier brutalement pour s'arracher avidement quelques morceaux de pains d'épice foulés aux pieds et couverts de boue ?

De mon côté, quand j'ai bien réfléchi sur l'espèce de volupté que je goûtais dans ces sortes d'occasions, j'ai trouvé qu'elle consistait moins dans un sentiment de bienfaisance que dans le plaisir de voir des visages contents. Cet aspect a pour moi un charme qui, bien qu'il pénètre jusqu'à mon coeur, semble être uniquement de sensation. Si je ne vois la satisfaction que je cause, quand même j'en serais sûr je n'en jouirais qu'à demi. C'est même pour moi un plaisir désintéressé qui ne dépend pas de la part que j'y puis avoir. Car dans les fêtes du peuple celui de voir des visages gais m'a toujours vivement attiré. Cette attente a pourtant été souvent frustrée en France où cette nation qui se prétend si gaie montre peu cette gaieté dans ses jeux. Souvent j'allais jadis aux guinguettes pour y voir danser le menu peuple : mais ses danses étaient si maussades, son maintien si dolent, si gauche, que j'en sortais plutôt contristé que réjoui. Mais à Genève et en Suisse, où le rire ne s'évapore pas sans cesse en folles malignités, tout respire le contentement et la gaieté dans les fêtes, la misère n'y porte point son hideux aspect, le faste n'y montre pas non plus son insolence ; le bien-être, la fraternité, la concorde y disposent les coeurs à s'épanouir, et souvent dans les transports d'une innocente joie les inconnus s'accostent, s'embrassent et s'invitent à jouir de concert des plaisirs du jour. Pour jouir moi-même de ces aimables fêtes, je n'ai pas besoin d'en être, il me suffit de les voir ; en les voyant, je les partage ; et parmi tant de visages gais, je suis bien sûr qu'il n'y a pas un coeur plus gai que le mien. Quoique ce ne soit là qu'un plaisir de sensation il a certainement une cause morale, et la preuve en est que ce même aspect, au lieu de me flatter, de me plaire, peut me déchirer de douleur et d'indignation quand je sais que ces signes
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:17

de plaisir et de joie sur les visages des méchants ne sont que des marques que leur malignité est satisfaite. La joie innocente est la seule dont les signes flattent mon coeur. Ceux de la cruelle et moqueuse joie le navrent et l'affligent quoiqu'elle n'ait nul rapport à moi. Ces signes sans doute ne sauraient être exactement les mêmes, partant de principes si différents : mais enfin ce sont également des signes de joie, et leurs différences sensibles ne sont assurément pas proportionnelles à celles des mouvements qu'ils excitent en moi. Ceux de douleur et de peine me sont encore plus sensibles, au point qu'il m'est impossible de les soutenir sans être agité moi-même d'émotions peut-être encore plus vives que celles qu'ils représentent. L'imagination renforçant la sensation m'identifie avec l'être souffrant et me donne souvent plus d'angoisse qu'il n'en sent lui-même. Un visage mécontent est encore un spectacle qu'il m'est impossible de soutenir, surtout si j'ai lieu de penser que ce mécontentement me regarde. Je ne saurais dire combien l'air grognard et maussade des valets qui servent en rechignant m'a arraché d'écus dans les maisons où j'avais autrefois la sottise de me laisser entraîner, et où les domestiques m'ont toujours fait payer bien chèrement l'hospitalité des maîtres. Toujours trop affecté des objets sensibles et surtout de ceux qui portent signe de plaisir ou de peine, de bienveillance ou d'aversion, je me laisse entraîner par ces impressions extérieures sans pouvoir jamais m'y dérober autrement que par la fuite. Un signe, un geste, un coup d'oeil d'un inconnu suffit pour troubler mes plaisirs ou calmer mes peines je ne suis à moi que quand je suis seul, hors de là je suis le jouet de tous ceux qui m'entourent.

Je vivais jadis avec plaisir dans le monde quand je n'y voyais dans tous les yeux que bienveillance, ou tout au pis indifférence dans ceux à qui j'étais inconnu. Mais aujourd'hui qu'on ne prend pas moins de peine à montrer mon visage au peuple qu'à lui masquer mon naturel, je ne puis mettre le pied dans la rue sans m'y voir entouré d'objets déchirants ; je me hâte de gagner à grands pas la campagne ; sitôt que je vois la verdure, je commence à respirer. Faut-il s'étonner si j'aime la solitude ? Je ne vois qu'animosité sur les visages des hommes, et la nature me rit toujours.

Je sens pourtant encore, il faut l'avouer, du plaisir à vivre au milieu des hommes tant que mon visage leur est inconnu. Mais c'est un plaisir qu'on ne me laisse guère. J'aimais encore il y a quelques années à traverser les villages et à voir au matin les laboureurs raccommoder leurs fléaux ou les femmes sur leur porte avec leurs enfants. Cette vue avait je ne sais quoi qui touchait mon coeur. Je m'arrêtais quelquefois, sans y prendre garde, à regarder les petits manèges de ces bonnes gens, et je me sentais soupirer sans savoir pourquoi. J'ignore si l'on m'a vu sensible à ce petit plaisir et si l'on a voulu me l'ôter encore, mais au changement que j'aperçois sur les physionomies à mon passage, et à l'air dont je suis regardé, je suis bien forcé de comprendre qu'on a pris grand soin de m'ôter cet incognito. La même chose m'est arrivée et d'une façon plus marquée encore aux Invalides. Ce bel établissement m'a toujours intéressé. Je ne vois jamais sans attendrissement et vénération ces groupes de bons vieillards qui peuvent dire comme ceux de Lacédémone :

Nous avons été jadis jeunes, vaillants et hardis.

Une de mes promenades favorites était autour de l'Ecole militaire et je rencontrais avec plaisir çà et là quelques invalides qui, ayant conservé l'ancienne honnêteté militaire, me saluaient en passant. Ce salut que mon coeur leur rendait au centuple me flattait et augmentait le plaisir que j'avais à les voir. Comme je ne sais rien cacher de ce qui me touche je parlais souvent des invalides et de la façon dont leur aspect m'affectait. Il n'en fallut pas davantage. Au bout de quelque temps je m'aperçus que je n'étais plus un inconnu pour eux, ou plutôt que je le leur étais bien davantage puisqu'ils me voyaient du même oeil que fait le public. Plus d'honnêteté, plus de salutations. Un air repoussant, un regard farouche avaient succédé à leur première urbanité. L'ancienne franchise de leur métier ne leur laissant pas comme aux autres couvrir leur animosité d'un masque ricaneur et traître ils me montrent tout ouvertement la plus violente haine et tel est l'excès de ma misère que je suis forcé de distinguer dans mon estime ceux qui me déguisent le moins leur fureur.

Depuis lors je me promène avec moins de plaisir du côté des Invalides, cependant, comme mes sentiments pour eux ne dépendent pas des leurs pour moi, je ne vois jamais sans respect et sans intérêt ces anciens défenseurs de leur patrie : mais il m'est bien dur de me voir si mal payé de leur part de la justice que je leur rends. Quand par hasard j'en rencontre quelqu'un qui a échappé aux instructions communes, ou qui ne connaissant pas ma figure ne me montre aucune aversion, l'honnête salutation de ce seul-là me dédommage du maintien rébarbatif des autres. Je les oublie pour ne m'occuper que de lui, et je m'imagine qu'il a une de ces âmes comme la mienne où la haine ne saurait pénétrer. J'eus encore ce plaisir l'année dernière en passant l'eau pour m'aller promener à l'île aux Cygnes. Un pauvre vieux invalide dans un bateau attendait compagnie pour traverser. Je me présentai ; je dis au batelier de partir. L'eau était forte et la traversée fut longue. Je n'osais presque pas adresser la parole à l'invalide de peur d'être rudoyé et rebuté comme à l'ordinaire, mais son air honnête me rassura. Nous causâmes. Il me parut homme de sens et de moeurs. Je fus surpris et charmé de son ton ouvert et affable, je n'étais pas accoutumé à tant de faveur ; ma surprise cessa quand j'appris qu'il arrivait tout nouvellement de province. Je compris qu'on ne lui avait pas encore montré ma figure et donné ses instructions. Je profitai de cet incognito pour converser quelques moments avec un homme et je sentis à la douceur que j'y trouvais combien la rareté des plaisirs les plus communs est capable d'en augmenter le prix. En sortant du bateau il préparait ses deux pauvres liards. Je payai le passage et le priai de les resserrer en tremblant de le cabrer. Cela n'arriva point au contraire il parut sensible à mon attention et surtout à celle que j'eus
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encore, comme il était plus vieux que moi, de lui aider à sortir du bateau. Qui croirait que je fus assez enfant pour en pleurer d'aise ? Je mourais d'envie de lui mettre une pièce de vingt-quatre sous dans la main pour avoir du tabac ; je n'osai jamais. La même honte qui me retint m'a souvent empêché de faire de bonnes actions qui m'auraient comblé de joie et dont je ne me suis abstenu qu'en déplorant mon imbécillité. Cette fois, après avoir quitté mon vieux invalide, je me consolai bientôt en pensant que j'aurais pour ainsi dire agi contre mes propres principes en mêlant aux choses honnêtes un prix d'argent qui dégrade leur noblesse et souille leur désintéressement. Il faut s'empresser de secourir ceux qui en ont besoin, mais dans le commerce ordinaire de la vie laissons la bienveillance naturelle et l'urbanité faire chacune leur oeuvre sans que jamais rien de vénal et de mercantile ose approcher d'une si pure source pour la corrompre ou pour l'altérer. On dit qu'en Hollande le peuple se fait payer pour vous dire l'heure et pour vous montrer le chemin. Ce doit être un bien méprisable peuple que celui qui trafique ainsi des plus simples devoirs de l'humanité. J'ai remarqué qu'il n'y a que l'Europe seule où l'on vende l'hospitalité. Dans toute l'Asie on vous loge gratuitement ; je comprends qu'on n'y trouve pas si bien toutes ses aises. Mais n'est-ce rien que de se dire : Je suis homme et reçu chez des humains ? C'est l'humanité pure qui me donne le couvert. Les petites privations s'endurent sans peine quand le coeur est mieux traité que le corps.


DIXIÈME PROMENADE

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Aujourd'hui, jour de Pâques fleuries, il y a précisément cinquante ans de ma première connaissance avec madame de Warens. Elle avait vingt-huit ans alors, étant née avec le siècle. Je n'en avais pas encore dix-sept et mon tempérament naissant, mais que j'ignorais encore, donnait une nouvelle chaleur à un coeur naturellement plein de vie. S'il n'était pas étonnant qu'elle conçût de la bienveillance pour un jeune homme vif, mais doux et modeste d'une figure assez agréable, il l'était encore moins qu'une femme charmante pleine d'esprit et de grâces, m'inspirât avec la reconnaissance des sentiments plus tendres que je n'en distinguais pas. Mais ce qui est moins ordinaire est que ce premier moment décida de moi pour toute ma vie, et produisit par un enchaînement inévitable le destin du reste de mes jours. Mon âme dont mes organes n'avaient point développé les plus précieuses facultés n'avait encore aucune forme déterminée. Elle attendait dans une sorte d'impatience le moment qui devait la lui donner, et ce moment accéléré par cette rencontre ne vint pourtant pas sitôt, et dans la simplicité de moeurs que l'éducation m'avait donnée je vis longtemps prolonger pour moi cet état délicieux mais rapide où l'amour et l'innocence habitent le même coeur. Elle m'avait éloigné. Tout me rappelait à elle, il y fallut revenir. Ce retour fixa ma destinée, et longtemps encore avant de la posséder je ne vivais plus qu'en elle et pour elle. Ah ! si j'avais suffi à son coeur comme elle suffisait au mien ! Quels paisibles et délicieux jours nous eussions coulés ensemble ! Nous en avons passé de tels, mais qu'ils ont été courts et rapides, et quel destin les a suivis ! Il n'y a pas de jour où je ne me rappelle avec joie et attendrissement cet unique et court temps de ma vie où je fus moi pleinement, sans mélange et sans obstacle, et où je puis véritablement dire avoir vécu. Je puis dire à peu près comme ce préfet du prétoire qui disgracié sous Vespasien s'en alla finir paisiblement ses jours à la campagne : "J'ai passé soixante et dix ans sur la terre, et j'en ai vécu sept." Sans ce court mais précieux espace je serais resté peut-être incertain sur moi, car tout le reste de ma vie, faible et sans résistance, j'ai été tellement agité, ballotté, tiraillé par les passions d'autrui, que presque passif dans une vie aussi orageuse j'aurais peine à démêler ce qu'il y a du mien dans ma propre conduite, tant la dure nécessité n'a cessé de s'appesantir sur moi. Mais durant ce petit nombre d'années, aimé d'une femme pleine de complaisance et de douceur, je fis ce que je voulais faire, je fus ce que je voulais être, et par l'emploi que je fis de mes loisirs, aidé de ses leçons et de son exem
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 10:18

ple, je sus donner à mon âme encore simple et neuve la forme qui lui convenait davantage et qu'elle a gardée toujours. Le goût de la solitude et de la contemplation naquit dans mon coeur avec les sentiments expansifs et tendres faits pour être son aliment. Le tumulte et le bruit les resserrent et les étouffent, le calme et la paix les raniment et les exaltent. J'ai besoin de me recueillir pour aimer. J'engageai maman à vivre à la campagne. Une maison isolée au penchant d'un vallon fut notre asile, et c'est là que dans l'espace de quatre ou cinq ans j'ai joui d'un siècle de vie et d'un bonheur pur et plein qui couvre de son charme tout ce que mon sort présent a d'affreux. J'avais besoin d'une amie selon mon coeur, je la possédais. J'avais désiré la campagne, je l'avais obtenue, je ne pouvais souffrir l'assujettissement, j'étais parfaitement libre, et mieux que libre, car assujetti par mes seuls attachements, je ne faisais que ce que je voulais faire. Tout mon temps était rempli par des soins affectueux ou par des occupations champêtres. Je ne désirais rien que la continuation d'un état si doux. Ma seule peine était la crainte qu'il ne durât pas longtemps, et cette crainte née de la gêne de notre situation n'était pas sans fondement. Dès lors je songeai à me donner en même temps des diversions sur cette inquiétude et des ressources pour en prévenir l'effet. Je pensai qu'une provision de talents était la plus sûre ressource contre la misère, et je résolus d'employer mes loisirs à me mettre en état, s'il était possible, de rendre un jour à la meilleure des femmes l'assistance que j'en avais reçue.





bon ok fe vous ai cité tout le texte de rousseau mais sa vous fera de la culprure.

note: je n'ai jamais lu les réverie d'un promeneur solitaire ces un copier collé.
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 11:55

ok, ouf! Bha, si meme toi tu ne t'intéresse pas à tes nieseries, qui vas si interssé. Avoue que tu voulais juste avoir écrit à toi entier le premier post de 3 page du forum! mais t'aurais pu écrire qu'un paragraphe de connerie et le copier coller jusqu'à la fin des temps et tout le monde n'y aurait vue que du feu, personne ne le lira!
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyVen 18 Aoû à 12:17

premiérement se ne sont pas des conneri se sont les réverie d'un promeneur solitaire de rousseau, l'une des plus grande oeuvre du siècle des lumière. deuxiémement je mis intérrèsse mais présentement je lit dostoievski, un classique de la littérature russe. ensuite je ne voulait pas copier coller des conneri mais des chose intelligente. mon but premier n'était poas de faire trois page, jhuste un très très longt poste. finalement ce que j'ai posté étant un texte très connu baucoup de personne l'on déja lu.

d'ailleur je te maudit toi et tout tes enfant jusqu'a la treizième génération pour ne pas t'être lamenter de tout les poste culte que l'on a perdu sur le forum des message subliminaux.

j'aimerais finire ce poste qui ne sert à rien par une citation de platon qui disait:non c'est une joke mais avouer que vous avez eu peurt^^.
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 6:19

AHHHH souffrance dans mon coeur

que d'avoir perdu un sublime forum

tel que les message subliminal

tout les boulet poster envoler loin

très loin dans le temps

toute personne qui ne pleur pas sa mort

est un insensible a tout coup

LAMENTATION NO1
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 6:21

qui est assez niaiseux

pour lire ses stupidité

insense

Cabrel n'a qua faire un copier

et un coller

pour son pure plaisir

mais un question se pose...

les a tu tous lu....

mais oui me répondra tu

et bien moi

Non

LAMENTATION NO2
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 6:22

Pour mes autres message lisez les en poème pour faire plus beau dans vos coeur et dans votre tête.
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 9:55

cool toi aussi tu est cabable de faire des fausse citation biblique. au moin toi tu te lamente sur notre défunt forum.
en son honneur voici queque chose:


toi qui voit de la brume sur son chemin

toit qui tatonne pour avancer

que ton coeur s'ouvre au secret arlequin

que ton coeur soit à jamais éclairer

FAUSSE CITATION DE LA BIBLE 007

sinon lit les deux note à la fin de la citation de rousseau du comprenra que je ne l'ai pas lu et j'explique pourquoi dans ma réponse à marion.
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 11:52

Ahhhhhh tout s'explique
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:00

en effet amen
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:04

Pauvre petit dit Jésus en lui tendant la main

Je vais t'emmener loin de tout c'est boulet
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:05

or de ma vue satan même si je suis 40 jour dans le désert je ne te suivrai pas.
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:08

Je vais te cloitrer ici toute ta vie

(cloitrer dans le sens accroché dans mon salon)

je de mots mots de jeu

Ouhhhhhhhhhhhh
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:09

pas compris jeux de mot houuuuuuu Embarassed
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:12

cloitrer veut dire enfermer et moi je l'utilise pour dire clouer


EMPOTÉ
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:14

tu sais ce n'est pas vraiment drôle...
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MessageSujet: Re: coup de geule   coup de geule - Page 2 EmptyDim 20 Aoû à 14:16

Ben c'était pas supposer être drole tu sauras mais juste pour mon simple plaisir


Apprécie les simples plaisir de la vie tel les oiseau le ciel les animaux tout tou t otu
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